J’ai ce vers d’une chanson d’Alexandre Poulin qui tourne en boucle dans ma tête depuis les dernières semaines:
Chu sur la trace de qui j’suis
Pis j’va’s ben finir par me rattraper
Et voilà qu’il y a quelques jours, lors de ma visite à la bibliothèque municipale pour récupérer Ce que je sais de toi, mes yeux ont longuement fixé le coton ouaté gris de la bénévole responsable. Plus précisément, ce qui y était inscrit: Incapable de détourner le regard, ces 6 mots étaient devenus le trou noir de mon attention: Don’t define yourself Do Create Yourself.
Je suis sensible à ces petits signes du quotidien, à ces clins d’oeil du hasard (ou pas), à ces démonstrations de synchronicités.
Le hasard est ce jeu dans la vie qui peut remettre en mouvement la personne qui arrive à l’inscrire dans un récit. « Le hasard ne favorise que les esprits bien préparés, » disait Pasteur
D’ailleurs, lorsque j’écoute une même chanson en boucle pendant des journées, je finis par m’attarder aux paroles plutôt qu’à la mélodie. (Surtout lorsque mon fils me mentionne de son air exaspéré de pré-ado qu’il est tanné d’entendre la même chanson) et À CHAQUE FOIS, ce qui y est raconté trouve écho à ma trame narrative personnelle du moment.
Mais, contrairement aux autres chansons qui m’ont accompagnée lors d’épisodes déterminants, celle intitulée Un bout de temps n’a pas joué depuis fort fort fort longtemps. Pourtant, mon inconscient, lui, juge bon que je reprête attention aux paroles.
J’ai l’impression d’avoir nagé dans un épais brouillard dans les dernières semaines, de commencer à me sortir la tête hors d’une tasse aussi claire qu’un London Fog.
Un brouillard dense duquel j’émerge tranquillement.
Il est à savoir que mon corps m’a SOLIDEMENT fait comprendre que j’avais étiré mon élastique: haut du dos barré, infection urinaire qui migre en infection aux reins, otite ( Je ne croyais pas que c’était encore possible d’avoir ça à 36 ans), grippe et, maintenant, un système digestif inflammé (allô le siège des émotions).
Mon corps m’a assiégée.
Comme une douce (!) revange d’avoir roulé pendant trop de kilomètres la tank vide, sur des effluves de gaz.
Et toujours, dans la catégorie des métaphores de char, j’ai l’impression d’être garée sur l’accotement d’une autoroute à regarder le reste du monde rouler à 120 km/h.
Et, j’ai aucune idée du moment où je vais rembarquer dans ma voiture pour reprendre la route et, honnêtement ça m’angoisse un peu.
Hey Stef! Toujours à l’UPA ou aux fraises?
S’ensuit une bonne respiration de ma part pour continuer la discussion:
Non! J’ai donné ma démission en décembre.
Ah ouais? Donc, t’es rendu où là?
Nul part. J’ai pris une pause professionnelle.
Hein?! Tu vas faire quoi? As-tu une idée d’où tu veux aller après?
Je vais commencer par me remettre sur pied, me retrouver pis réfléchir à la prochaine étape.
(ET espacer mes visites sur AccesD ET continuer à ghoster mon conseiller financier pour le rendez-vous annuel des REER. )
Faut commencer par faire le vide
Pour espérer refaire le plein
Fak, c’est ça, je cotiserai plus tard.
On dirait qu’un code d’erreur apparaît lorsque nous ne sommes pas sagement dédiés à l’autel de la productivité. Un malaise tout petit, mais perceptible, un changement vibratoire dans l’auditoire.
Excepté chez ceux qui ont connu soit un épuisement professionnel, des soucis de santé ou tout autre remise en question profonde suivant un événement X, Y, Z.
En croisant une ancienne connaissance dont la dernière jasette remontait à plus de 7 ans, cet extrait de discussion ci-haut fut plutôt soldé par de sages paroles de sa part:
C’est bien ça! Vaut mieux le faire là que trop tard!
Non pas que j’aie besoin de me faire valider sur ma dernière grande action de 2024 puisqu’honnêtement: c’est le plus grand cadeau que je pouvais me faire, mais c’est une grosse déprogrammation de conditionnement à la Pavlov que je suis en train de vivre.
Je déprogramme le conditionnement extrinsèque relié au travail. ET, ET, ET je prends un break de la mélodie agressante de Teams. (C’était peut-être pour ça l’otite finalement!)
Lorsque j’ai voulu mettre à jour mon statut professionnel sur LinkedIn avant les Fêtes, j’ai constaté qu’on ne peut rien inscrire comme occupation actuelle (sous la photo de profil).
NANON, tu dois être en train de faire quelque chose fille!
Je ne réussissais pas à fermer la fenêtre de mise à jour sans remplir le champ Emploi actuel avec la date de début. Man, j’peux tu juste prendre un esti de break sans en plus avoir à annoncer à tout le monde qu’actuellement, j’suis pas en arrêt de maladie, ni en voyage autour du monde, ni en retour aux études. Je.veux.juste.prendre.une.pause.
J’ai pris une grande inspiration et j’ai inscrit: J’écris des Parenthèses.
Je suis pas trop certaine de l’effet que ça aura sur un potentiel recruteur, mais bon c’est déjà mieux que J’attends sur l’accotement.
Certains m’envient, mais ça vient avec son lot de gymnastique financière (On s’entend que je ne pourrai faire ça ad vitam aetarnam, mais chose certaine je viens de repousser mon âge de la retraite.) Maintenant, je défile plus vite les stories d’Elle investit sur Instagram. Je veux rien savoir des success stories de gars de 23 ans qui ont acheté un duplex ou de l’autre qui a fait 7,9 % de rendement grâce aux FNB ou d’enfants de 3 ans qui ont autant dans leur REEE que le salaire médian annuel au Québec.
Actuellement, mon meilleurs fonds de placement c’est moi-même.
Tu vas faire quoi? As-tu une idée d’où tu veux aller après?
No, fuck all idée. Je sais ce que je ne veux PAS par contre. C’est déjà ça. Et, je veux arrêter de juste me définir par le travail, je veux créer à travers/ en parallèle de celui-ci, et surtout cesser de rattacher ma valeur au statut apposé sur LinkedIn.
A human being unable to have a meaningful impact on the world ceases to exist - David Grabber, Bullshit jobs: A Theory
Donc, t’es rendu où là, Stef?
Ailleurs d’où j’étais auparavant.
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Pour ceux chez qui le texte résonne, voici quelques suggestions de lectures/ documentaires qui m’ont accompagnée ces derniers temps:
La série Pastel fluo